Carnet de Bord – Indonésie

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L’Indonésie est clairement l’une des étapes majeures de notre voyage. Conscients du potentiel incroyable de ce magnifique pays, nous avons prévu de consacrer trois mois pleins à le parcourir d’Est en Ouest. Trois mois ça peut paraitre beaucoup quand on compare aux autres temps d’escales de notre voyage, mais pour un pays comme l’Indonésie c’est en fait extrêmement rapide. Pour vous donner un ordre d’idée, ce pays est constitué de plus de 18 000 iles et s’étend sur plus de 4000km de son point le plus oriental à celui le plus occidental. Ajoutez à cela la problématique météorologique et vous comprendrez bien le challenge. L’arrivée de la mousson en novembre est censée inverser le sens des vents dominants qui souffleront de l’ouest, compliquant un peu plus notre avancée. Il va falloir la jouer fine si nous voulons terminer la traversée dans les temps, tout en profitant des incroyables spots de surf, de plongée ou bien de chasse sous-marine dont cet archipel est fourbu !

Nous nous sommes beaucoup appuyé sur le Cruising Guide écrit par Andy Scott qui regroupe une quantité impressionnante d’informations sur les routes, les mouillages et les différents spots de plongée, de pêche, de surf, ou bien d’activité à terre. Ce livre a réellement été notre bible durant notre petite aventure indonésienne. Merci Andy. On recommande à fond !

Vu la longueur de cet article, je vous recommande d’utiliser la carte interactive ci dessous pour balader le long de la page et rejoindre les rubriques qui vous intéressent.

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2000 MILLES

AU PAYS DES KRETEKS

- Arrivée à Kupang -

Samedi 2 novembre 2023, 8h du matin. L’ancre du Scuba Libre tombe dans le mouillage peu fréquenté de la ville de Kupang, la capitale de l’état du Timor, après une navigation de 13 jours au départ de la Papouasie. Nous retrouvons là-bas notre ami Anders et son catamaran ARM arrivé deux jours plus tôt. Il nous hèle de venir à son bord pour nous donner les dernières informations sur les démarches à suivre pour faire son entrée administrative dans le pays. Plus qu’ailleurs, l’Indonésie est un réel foutoir administratif. Chaque entité revendique son importance dans la machine globale en y allant de son document supplémentaire à faire tamponner, ou de sa visite sur le bateau. C’est une vraie chance d’avoir un bateau pilote comme ARM pour nous démêler le flux d’informations dont nous avons eu vent. Il nous explique que sans agent[1], le combat est perdu d’avance. Il faut visiter pas moins de 4 bureaux éparpillés aux quatre coins de la ville, s’adresser aux bonnes personnes, réussir à se faire comprendre, et surtout, graisser les bonnes pattes. Et oui… c’est comme ça que ça se passe ici : à coup de billets de 100 000 Rp (6€) et de paquets de kreteks (cigarettes aromatisées aux clous de girofle). Bref, les $100 d’agent valent quasiment le prix des taxis et des pourliches. Sur ces conseils nous contactons Jan qui l’a aidé à faire son entrée et qui s’occupera de la nôtre demain.

[1] l’agent est une personne locale qui propose ses services afin d’aider les nouveaux arrivants dans leurs démarches administratives. Il a généralement une voiture et connait l’ordre de visite et les adresses des différents bureaux. Il sert de traducteur. Il sait comment ravitailler en eau ou en vivre. Bref un agent c’est tres pratique mais aussi très cher !

En attendant nous bravons l’interdit en allant nous promener à terre afin d’acheter des cartes SIM et de nous dégourdir un peu les jambes. A peine arrivée nous sommes tout de suite dans le bain. Kupang, c’est le cliché de la ville Indonésienne. Ça fourmille de gens, ça grouille de scooters, ça klaxonne dans tous les sens, ça sent la kretek et le riz frit, et c’est jonché déchets sur le sol… C’est un peu violent pour nous qui n’avions plus vu de vraie ville depuis Panama City il y a plus de 6 mois, mais c’est surtout super intéressant d’être plongés de la sorte dans une culture. Et vous le verrez, l’Indonésie a aussi des tonnes de bons côtés que nous allons découvrir un peu plus tard.

Le lendemain matin nous nous réveillons aux aurores pour faire notre entrée officielle sur le sol Indonésien. Comme on nous l’avait promis, c’est une journée des plus harassantes qui nous attend. Baladés par Jan, notre agent indonésien, nous parcourons Kupang en long en large et en travers pour nous rendre un coup au bureau des douanes, puis à celui de l’immigration, puis à la quarantaine, puis de nouveau aux douanes, etc… Ce balai incessant nous fatigue et alors que nous sommes déjà irrités, se termine de la pire des manières… On nous a attribué des VISA de 3 mois à la place des 6 mois initialement prévu. Difficile pour nous d’envisager écourter notre séjour. Il nous faudra donc trouver une solution pour faire un aller-retour à l’extérieur du pays afin d’obtenir un nouveau VISA. Mais nous verrons cela plus tard. Ce qui importe, maintenant que nous sommes en règle, c’est de refaire les provisions du bateau et de quitter Kupang pour commencer réellement notre aventure Indonésienne.

Ce qui importe aussi, c’est d’accueillir comme il se doit notre nouveau moussaillon ! Notre pote Ludovic débarque à Kupang aujourd’hui pour passer un mois et demi sur le Scuba. Plus d’un an qu’on ne l’a pas vu. Les retrouvailles sont grandiloquentes. Le lendemain nous achevons l’approvisionnement en faisant un tour au marché local qui est d’ailleurs particulièrement bien fournis. Puis vers 5h de l’après-midi nous mettons les voiles vers la petite ile Rote, distante de 80 miles vers le sud.

- Rote : l'Ile du surf -

C’est dans l’après-midi du 8 Novembre, après une vingtaine d’heure de navigation presque uniquement au moteur, que nous arrivons sur l’ile de Rote. Nous avons choisi de mouiller juste en face du village de Nembarala, sur la côte ouest de l’ile. C’est sur cette cote que se concentre la plupart des spots de surf du coin. Et ça tombe bien car le surf est notre objectif numéro 1 de l’escale. Nous avons choisi cette destination en grande partie pour sa configuration propice aux vagues : proximité du mouillage avec les spots, niveau des vagues intermédiaire, position de l’ile très au sud, permettant de capter les houles assez faibles de la fin de saison et fréquentation assez l’imité à cette période de l’année. Bref rien n’a été laissé au hasard par Pierre notre surf-planner. Nous avons de grandes ambitions en venant ici et comptons bien trouver enfin notre El Dorado du surf.

Notre première impression est excellente. Le mouillage nous plait bien : un bon fond sableux, un joli récif a quelques mètres à peine, un accès au village en quelques minutes d’annexe seulement, un paysage pittoresque avec au premier plan les spider-boats (ces bateaux de pêche traditionnels si typique de l’Indonésie) qui nous entourent, en fond une jolie plage parsemée de cocotiers… et bien sur une vue imprenable sur la vague de T-Land. Elle a d’ailleurs l’air de fonctionner au moment même où nous faisons tomber l’ancre. Nous ne pouvons pas nous empêcher d’attraper les jumelles pour observer ça en détail ; au risque de rater la manœuvre… L’écume déroule proprement vers la gauche. Quelques surfers sont à l’eau et enchainent les rides. Que de promesses, alors que nous venons à peine d’arriver.

La semaine qui s’en suit se déroule exactement comme nous nous le désirions. Le surf est excellent. La vague marche quotidiennement. Elle est longue, puissante mais pas trop grosse ni trop rapide. Parfait pour notre niveau que nous voyons évoluer de jour en jour. Les sessions s’enchainent au rythme de deux par jours. On se croirait dans un surf camp à bord du Scuba Libre.

Nous profitons aussi comme il se doit de la côte en allant explorer les environs au volant de scooters de location et en jouissant casi quotidiennement des warongs (petit restaurant local) et bars du village. Nous faisons très vite ami-ami avec Deanno, le patron de la Villa Santai, un des hôtels de la plage. Ce pur produit de l’Australie profonde nous donne tout un tas de conseils sur la navigation en Indonésie qu’il a sillonné pendant plusieurs dizaines d’années. Et nous passons bon nombre de soirées à son comptoir, à nous délecter de ses mille et une histoires de pirate, une Bintang bien fraiche à la main. Que la vie est douce à Nemberala.

La houle retombe en fin de semaine et le spot de T-Land s’éteint. Ça tombe bien, nous cherchions une excuse pour quitter notre mouillage et aller explorer la petite ile d’Heleanak qui se situe à quelques miles à peine au sud. On nous a garanti que le spot valait le détour, tant par ses falaises découpées à la serpe que la vie aquatique qui s’y agite en dessous; et c’est chose vraie. La verticalité des murs de pierres blanche, débordant de promontoires, de saillis, de roches percées et de petites criques nous rappelle les calanques de Marseille. 

 

 

 

 

 

 

Sous l’eau c’est un tout autre spectacle qui s’offre à nous. Trois raies manta de trois ou quatre mètres d’envergure s’alimentent dans le courant, juste au-dessus d’une grosse patate de corail (c’est ce qu’on appelle une feeding station). Elles ne sont pas du tout dérangées par notre présence et nous restons, des heures durant, à observer leur ballet et à danser avec elles au fond de l’eau. Au retour au bateau, nous sommes tous les cinq sur un petit nuage après cette expérience si paisible et gracieuse.

Nous repartons ensuite vers Nemberala pour y faire un dernier ravitaillement. Nous récupérons aussi notre deuxième nouveau moussaillon : Laurent Mazoubit, arrivé tout droit de la Réunion, à qui nous tentons de faire le meilleur accueil malgré les trombes d’eau de la mousson qui s’abattent sur nous. Le 15/11 nous faisons nos adieux à cette petite ile de Rote, une vraie bonne surprise dont nous nous souviendrons longtemps. Nous mettons les voiles vers l’ile de Flores et son Komodo National Park qui nous fait rêver depuis si longtemps.

- Komodo et ses Dragons -

Il nous faudra 3 bonnes journées de navigation pour parcourir les 230 miles qui nous séparent de l’ile de Flores. Le vent se fait de plus en rare en cette fin de saison sèche mais en planifiant notre parcours et en faisant une petite pause sur l’ile de Savu en chemin, histoire de laisser passer une pétole nous arrivons à limiter au maximun notre usage du moteur.

Nous arrivons le soir du 19 Novembre sur l’ile de Rinca, la plus septentrionale des iles de l’archipel de Komodo. La nuit est déjà tombée lorsque le Scuba Libre, seul bateau des alentours jette l’ancre dans la baie de Lehok Uwada Dasami. Il faudra attendre demain pour apprécier la vue. La quantité impressionnante de plancton phosphorescent qui entoure le bateau renforce l’excitation que nous ressentons à l’idée de découvrir cet endroit si sauvage.

Au petit matin nous sommes réveillés par les cris des aigles qui survolent le bateau. Les premières têtes émergent alors de l’habitacle et découvrent les hautes falaises arides qui s’élèvent au-dessus de la baie. Se sont ensuite les petites taches, allant et venant sur la plage, qui attirent notre attention. Tristan attrape les jumelles et se rend compte que ce sont bel et bien des varans. A peine arrivés et nous sommes déjà nez à nez avec les fameux dragons de Komodo. Quelle entrée en matière ! 

Nous restons trois nuits dans cette baie. La plongée est assez décevante à cause de la mauvaise visibilité, surement due un upwelling saisonnier (remontée de plancton depuis les profondeur, qui charge l’eau en particule et réduit la visibilité), mais nous passons des moments inoubliables à aller à la rencontre de ces bêtes d’un autre temps. Nous nous rapprochons de la plage avec l’annexe ou le paddle et restons des heures à observer les gros lézards, qui parfois nous font sentir que nous sommes entrés dans leur territoire. Le matin c’est un défilé de vie sauvage qui se joue sous nos yeux : varans, biches, cochons sauvages et même singes se baladent sur le rivage. On se sent bien dans cet écrin de vie sauvage, où même la température à bord est plus vivable grâce à l’eau fraiche de la baie qui refroidit la coque. Mais il faut partir. N’oublions pas que nous sommes encore des clandestins dans ce Parc Naturel où l’entrée est règlementée.

Le 22 au matin nous levons donc l’ancre pour Rinca Nord et sa station de Ranger. Ce sera l’occasion de régulariser notre situation et de nous balader un peu à terre à la rencontre des dragons. Seulement 13km à vol d’oiseau nous sépare de notre destination mais il nous faudra plus de 10 heures pour nous y rendre à la voile… Bienvenu à Komodo avec ses vents capricieux et ses courants implacables ! Cette navigation nous aura au moins permis de tirer quelques bords dans le dédale d’iles de la région et de découvrir ses paysages lunaires. 

La promenade à terre est une petite déception. En effet la randonnée de plusieurs kilomètres, à la recherche des dragons, proposée jadis par les ranger, n’est plus d’actualité. A la place ils nous emmènent sur un point de vue, à 10 minutes seulement du centre d’accueil/musée flambant neuf. Même si la vue est à couper le souffle, c’est toujours un peu frustrant de devoir suivre un parcours bien délimité qui semble avoir été conçu pour les hordes de touristes septuagénaires dont accouchent quotidiennement les bateaux de croisière. Nous nous consolons tout de même par l’observation de dizaines de dragons qui rôdent autour du bâtiment pour profiter de l’activité humaine. Bien qu’on soit loin de l’observation en milieu sauvage de Rinca Sud, (malgré les dires des rangers qui nous garantissent que ces spécimens ne sont ni nourris, ni domestiqués) une telle proximité avec les reptiles nous fait vibrer. Après ce petit interlude terrien, nous remontons sur le Scuba et mettons les voiles vers l’ouest du parc pour entamer la seconde partie de sa visite : la découverte des fonds sous-marins.

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Pierre, encore lui, à bien fait ses devoirs et a étudié tous les spots de plongée du parc afin de déterminer ceux qui seront le plus adapté pour nous. Le fait que nous soyons en voilier complique un peu cette activité et ne nous permet pas d’aller où on le souhaite aussi facilement qu’avec un bateau à moteur. De plus, ici les mouillages sont règlementés et ne se trouve pas aux abords des spots de plongées. Il nous faut donc mettre au point une stratégie pour pouvoir nous mettre à l’eau sans mettre en danger le bateau pour autant.

La première mise à l’eau est infructueuse. Nous visions un manta point mais malheureusement point de manta sous la surface… Cette tentative nous permet tout de même de roder notre méthode de mise à l’eau : Un groupe part avec l’annexe sur le spot pendant que le second reste sur le Scuba et alterne les phases de dérive dans le courant puis remontée au point initial au moteur. In fine c’est un peu le même balai qui se joue avec l’annexe. Les plongeurs remontent au moteur à l’aplomb du courant puis sautent à l’eau et enchainent les apnées, en se laissant dériver au-dessus de la zone d’intérêt. Le tout en gardant l’amarre de l’annexe à la main pour pouvoir remonter à bord et répéter l’opération une fois l’extrémité du spot atteinte.

La déception du manta point n’est que de courte durée car les plongées qui s’en suivent sont toutes plus incroyables les unes que les autres. Portés par une chance insolente, il semble que nous soyons toujours au bon endroit au bon moment. 

Alors que les conditions de courants peuvent être très difficiles ici, rendant les plongés techniques et la visibilité capricieuse, nous jouissons à chaque mise à l’eau d’un courant favorable et d’une mer limpide. Nous nous aventurons donc, sans vraiment le savoir, sur les spots réputés de Batu Bolong, Tatawa Kecil ou Caudron, tout juste armés de palme masque et tuba, alors que certains moniteurs rechignent parfois à y emmener leurs clients. Notre intrépidité est largement récompensée par les rencontres incroyables que nous faisons sous l’eau : Raies manta, thons à dents de chien, banc de carangues géante, et bien sûr tout le bestiaire des poissons de récif classiques (gueules pavées, becs de cannes, vivaneaux, nasons, sweetips et compagnie…) mais dans un format taille XXL. Notre présence semble éveiller en eux plus de curiosité que de peur et certains spécimens viennent parfois nous inspecter jusqu’à effleurer notre masque. On se sent vraiment privilégiés de pouvoir vivre de tels moments, et à aucun instant nous ne regrettons l’absence de bouteille d’oxygène dans notre dos.          ↓ Clique pour voir la vidéo complète ! ↓

Pour notre dernier mouillage dans le parc nous nous rendons dans la baie sud de Gililawa Darat. Ce sera l’occasion d’une ultime balade et d’un dernier point de vue sur le vaste archipel, surement un des derniers aussi préservés. Le parc nous réserve tout de même une dernière surprise : la visite dans notre petite baie d’un couple de baleines bleues, qui viennent souffler à quelques encablures seulement du Scuba.

- Entre Flores et Lombok -

Nous sommes le 26 Novembre et notre visite du Komodo National Park s’achève. Nous mettons alors le cap sur Labuan Bajo, la grosse ville du coin, qui sert surtout de plaque tournante pour l’activité du parc. L’affluence touristique limitée de cette fin de saison aidant, nous passons plusieurs jours vraiment agréables dans cette ville à taille humaine. Nous sommes conquis par son aspect typique et ses alentours pittoresques que nous allons visiter à scooter. Nous en profitons aussi pour faire un bel avitaillement en vue de notre croisière vers Lombok.

Cette balade de plus de 250 miles nous prendra une quinzaine de jours, pendant lesquels nous essayons de joindre l’utile à l’agréable en nous arrêtant dans divers spots d’intérêt que nous avons repérés sur la route. De la navigation on se rappellera surtout les grains, les coups de tonnerre, le vent contraire et les heures de moteurs. Des escales, en revanche, on peut citer le passage proche du volcan de Sangeang, la visite du village des bâtisseurs de bateaux de Wera, la baignage dans cratère de Pulau Satonda, la cascade de Pulau Moyo, l’exploration (ratée) des spots mythiques de Sumbawa (Scare Reef, Dirty Hippie, Little Binging, Northern Right), et la rencontre avec les locaux de Labuan Lahlar.

- Entraînement Intensif à Lombok -

Nous arrivons enfin sur l’ile de Lombok le 15/12/23, après une traversée du chenal la séparant de Sumbawa une nouvelle fois compliquée, sous les grains et les orages. Nous sommes heureux de terminer cette croisière et de pouvoir nous poser un peu. Car c’est bien ca le programme de notre escale à Lombok. Nous avons envie de nous sédentariser pour quelques semaines et d’en profiter pour ressortir nos planches de surf qui prennent la poussière au fond du Scuba depuis presque un mois. Nous avons repéré deux spots qui semblent propices à ce projet. Deux belles baies abritées du vent et garnies de jolies vagues à découvrir.

EKAS BAY

C’est là-bas que nous atterrissons après la la traversée du chenal. Nous mouillons coté Est, juste en face du chemin qui mène au village principale. Nous sommes le seul voilier de la baie. A quelques centaines de mètres du bateau déroule la vague d’Inside. On peut aussi apercevoir au loin, juste à l’entrée de la baie la vague d’Outside. La troisième vague du coin : Kura Kura, est quant à elle à l’extérieur de la baie. Nous restons quatre ou cinq jours dans ce sympathique mouillage. Le surf n’est pas tous les jours au rendez-vous, mais nous avons quand même l’occasion de faire quelques bonnes sessions sur Inside et Kura Kura. Nous sommes surtout heureux de rencontrer plusieurs des pensionnaires du Surf Camp du village (Heaven on the Planet Ressort) avec qui nous sympathisons bien. Ca fait du bien de rencontrer du monde ! Mais nous nous ennuyons tout de même un peu dans ce mouillage plutôt isolé.

Nous mettons donc les voiles vers Gerupuk, le second spot de notre road map. Il n’est distant que de quelques miles et semble tout aussi prometteur pour le surf. Nous ne serons qu’à quelques kilomètres seulement de Kuta Lombok, la « capitale » de l’île, ce qui devrait nous permettre de renouer un peu avec la civilisation. Nous n’avons qu’une seule crainte, c’est que cette baie, connue comme LE spot de surf de Lombok soit trop fréquentée à notre gout. Mais n’est-ce pas le manque de fréquentation qui nous a fait changer de mouillage après tout ?

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GERUPUK

A peine entrés dans la baie de Gerupuk, nous sentons que cette escale sera mémorable : le paysage est magnifique, avec ces deux promontoires si caractéristiques, les vagues semblent là, et nous apercevons vite d’autres voiliers au mouillages. Il s’agit de Manuriki et Lotta. Menés par deux équipages de jeunes baroudeurs comme nous (c’est un fait assez rare dans le monde de la croisière pour être souligné !). Nous sympathisons bien vite avec nos nouveaux colocataires de mouillages qui, comme nous, sont ici pour surfer !
Grâce à cette merveilleuse compagnie, au swell bien présent, mais aussi et surtout, grâce à Olle, le responsable du LombokSurfCamp, qui deviendra notre guide et porte d’entrée à la communauté de ce petit village, nous passerons ici une dizaine de jours inoubliables. Les journées sont rythmés par les sessions de surf sur les différents spot de la baie, les cafés à terre ou dans nos maisons flottantes, et les virés à Kuta, où nous nous retrouvons l’activité de la ville qui nous avait un peu manquée.

Pour clôturer cet épisode sous le signe de la convivialité, Olle invite tous les bateaux de la baie à fêter Noël dans le Surf Camp, avec toute sa clique. On ne pouvait rêver mieux pour ce deuxième réveillon loin de nos proches !

C’est donc le cœur gros que nous levons l’ancre en ce début d’après-midi du 27/12 en direction de Bali. Adieu Ludo (qui nous quitte après 2 mois d’aventure). Adieu Gerupuk. Adieu les copains. Peut-être nos trois bateaux flotteront-t-ils ensemble à nouveau un jour, dans quelque autre partie du globe. Non loin d’une jolie petite vague bien sûr !

- La Bali Belly -

70 miles seulement nous séparent de Bali, mais cette traversée n’est pas une partie de plaisir.  Nous ne nous sentons pas dans notre assiette, surtout Pierre qui est carrément HS. Et la météo nous rend la vie dure. Comme lors de nos dernières expériences de navigation, les grains et les calmes s’enchaînent. Nous arrivons au mouillage de Serangan extenués par la nuit difficile et la maladie qui commence à s’installer.

L’atmosphère à Serangan ne nous aide pas vraiment et recouvrer la forme. Il fait chaud, l’eau est sale, il n’y a que peu d’intérêt à aller terre. Mais nous avons choisi cette destination car nous pouvons y laisser le bateau sous bonne garde (contre une avalanche de bakchich bien sûr) le temps d’une expédition de quelques jours sur l’ile la plus connue d’Indonésie. Nous avons aussi une autre mission, celle de faire un aller-retour à Singapour pour renouveler nos visas. Malheureusement nous ne sommes toujours pas dans notre assiette et cette virée dans la ville-état est plus une corvée qu’un plaisir. Nous gardons tout de même de bons souvenirs des quelques lieux emblématiques visités sur place : « Garden by the bay », quartiers arabes et chinois.

Même tarif quand nous rentrons à Bali. Pierre et Damien ne sont pas en forme et nous ne parvenons pas à profiter à 100% de cette pause que nous souhaitions festive. C’est le nouvel an après tout ! Bref ne nous attardons pas sur cette épisode que nous non plus ne souhaitons pas vraiment resasser.

- Galères en Océan Indien -

Nous mettons les voiles au matin du 04/01 pour avaler les 1200 miles qui nous séparent des Mentawai, ces iles à l’extreme ouest de l’Indonésie, connues pour leur sable blanc et leurs vagues parfaites. Nous partons avec une petite appréhension compte tenu de nos dernieres experiences de navigation dans le coin. Qui plus est nous ne serons que trois pendant cette traversée car Pierre reste à terre et nous rejoindra directement la bas.

La brise est légère mais suffisante pour laisser Bali disparaitre sous l’horizon à la voile. Nous faisons route vers Sud-Ouest. L’objectif est de maintenir ce cap jusqu’à la latitude de l’Ile Christmas où nous espérons trouver du vent un peu plus consistant et surtout nous éloignés des grains qui se succèdent sur la cote. Nous incurverons alors notre route à l’Ouest jusqu’à dépasser la longitude de Java. Il faudra ensuite remonter une bonne partie de la mer de Sumatra pour atteindre Tua Pejat, l’ile des Mentawai que nous visons, située à peu près au milieu niveau du milieu de Sumatra.

Jours 1 à 4

Les premiers jours de navigation se passent plutôt normalement. Comme nous nous y attendions, le vent est toujours très capricieux. Les phases de calme, de vent modéré et de grain s’enchaînent tout au long de la journée, sans qu’on puisse y trouver de logique. Cela nous demande d’être constamment vigilants et de beaucoup manœuvrer. Mais au moins nous traçons notre route et arrivons à ménager Bijou (notre moteur). Nous nous réjouissons même à deux ou trois reprises d’avoir enchainé 24h consécutives à la voile, une performance dans ces environs. Puis le vent se fait de plus en plus à rare, nous obligeant à utiliser le moteur plus fréquemment pour continuer à avancer.

Jour 5

Au matin du 5ème jour, réunion de crise. A ce rythme-là et vu les prévisions météo pour les jours qui viennent, nous n’aurons jamais assez de diesel pour atteindre Tua Pejat. Même Enganno, la plus méridionale des iles de l’archipel semble un objectif bien lointain. Pas le choix, il faut rationner notre utilisation du moteur et mettre le cap sur cette destination alternative.

Jours 6 à 10

C’est le moment que choisit la météo pour se dégrader sérieusement. Les périodes de calmes deviennent de plus en plus fréquentes et longues et ne sont entrecoupées que par des grains d’une grande violence. On se retrouve donc soit à tirer des bords avec 2 ris et la trinquette, soit à bouchonner dans le courant avec la bôme qui claque irrémédiablement (c’est surement le pire pour un marin). Les jours s’enchainent et la distance nous séparant d’Enggano semble ne pas diminuer. Le morale est bien bas lorsque nous arrivons finalement à Enggano, dans la nuit du 13/01, après 10 jours de navigation, fatigués que nous sommes par les quarts difficiles à gérer les coups de vents.

Jours 11

Mais notre humeur remonte bien vite alors que nous dégotons dès le lendemain matin de notre arrivée, une cargaison de diesel pour refaire notre stock. Rien ne laissait prévoir que la tâche serait aussi aisée dans cette ile si reculée. L’endroit où nous l’avons trouvé ne payait d’ailleurs pas de mine. Une sorte d’entrepôt qui servait à la fois d’épicerie, de warong, d’atelier… et de karaoké. Quand nous lui demandons s’il a du diesel, le patron nous pointe du doigt un vieux baril. Nous ne sommes pas des plus rassurés, mais l’homme inspire confiance et nous n’avons pas vraiment le choix… Notre labeur terminé, nous nous accordons le reste de la journée pour nous reposer et célébrer l’anniversaire de Tristan comme il se doit.

Jour 12 et 13
La trace ératique du Scuba qui ne peut pas lutter face au courant

Nous levons l’ancre le lendemain mais ces 36h de pause ont été des plus réparatrices. En tout cas nous sommes super motivés et confiants pour avaler les 280 petits miles qui nous séparent de Tua Pejat, avec ses vagues et se plages de rêves. Mais nous sommes vite rattrapés par la réalité du terrain. Le vent est toujours aussi capricieux, et il souffle au plus près cette fois ci. A cela s’ajoute un fort courant qui nous fait perdre beaucoup de terrain. Ce ne sera décidemment pas une partie de plaisir ! Et puis le vent retombe une fois de plus et il faut se remettre au moteur. Nous en profitons pour refaire le plein avec le gazole que nous venons de ravitailler.

C’est la que les ennuis commencent… VRAIMENT. Notre cher Bijou cale alors que nous achevons de transvaser le deuxième jerrican de diesel. Sur le moment nous ne sommes pas plus inquiets que cela. Ce n’est pas la première fois qu’il nous fait le coup. Il peut y avoir des dizaines de raisons pour expliquer ce calage. Et puis le temps est très calme donc pas de stress, nous remettons les voiles et essayons d’avancer un peu malgré la pétole. Guillaume notre chef mécano émérite se met en mode investigation. Ça ne devrait donc pas être très long… Sauf que si ; le temps passe et le moteur ne veut toujours pas démarrer.  Tant pis, on verra demain.

Au matin du deuxième jours le moral à bien changé. Nous commençons à réaliser que sans moteur l’ile de Tua Pejat devient un objectif inatteignable. En effet nous venons de passer une nuit infernale. Malgré toute notre dévotion pour faire avancer le bateau, nous n’avons pas avancé d’un mille. Pendant les grains nous arrivons certes à progresser un peu, mais dans les calmes nous perdons toute notre avance, repoussés par le fort courant du nord. Tristan et Damien continuent à se démener, fonçant droit sur les grains qu’ils devinent sur l’horizon afin d’y trouver un peu de vent, pendant que Guillaume épluche les manuels et autres guides de montage afin de trouver d’où peu bien provenir cette satanée panne. A terre, c’est Pierre qui se s’affaire pour trouver un port de déroute, ou bien un remorqueur pour nous aider. Car un atterrissage à la voile dans cette région du monde et un pari extrêmement risqué. Bref c’est une vraie cellule de crise qui s’organise pour sortir le bateau de cette position délicate.

Jours 14 à 16

Finalement nous choisissons de nous dérouter vers le port de Sikakap, qui, positionné dans notre nord-ouest devrait être plus facile à atteindre. Cette nouvelle nuit se déroule un peu mieux que la précédente, au matin nous avons réussi à progresser un peu et grâce à une légère brise.  Nous continuons à gagner du terrain petit à petit. La passe de Sikakap commence même à se dessiner sur l’horizon. Mais sans remorqueur et avec ce vent si capricieux, nous ne pouvons risquer de trop nous en approcher. Nous tentons alors le tout pour le tout afin de faire redémarrer Bijou. Nous ouvrons le réservoir par la trappe de visite afin de siphonner l’intégralité du diesel. Le liquide à en effet une couleur bizarre… c’est bon signe ! Après l’avoir fait décanter pendant un moment nous rechargeons le réservoir avec du diesel qui nous semble « saint », nous croisons les doigts et tentons un dernier coup de démarreur.  MIRACLE ! Ça repart ! Le cauchemar est terminé. Direction Sikakap pour une escale express afin de trouver du « bon » diesel, et recharger les batteries. Tout se passe comme sur des roulettes et à peine 24h plus tard, Tuapejat et déjà en vue (Les distances ne sont pas les mêmes lorsqu’on avance à 5 nœuds). A nous la douce vie des Mentawai !

Moment d'alégresse quand Bijou se décide enfin à redémarrer
La joie du marin qui a enfin terminé sa traversée

- MENTAWAI : Notre El Dorado -

Le Scuba Libre fait finalement tomber son ancre dans la petite baie abritée du village de Tuapejat le samedi 20 janvier, après 16 bons jours d’une navigation des plus difficiles. A notre arrivée nous sommes reçus en héros par Pierre qui craignait le pire depuis plusieurs jours déjà. En plus de nous avoir mis les nerfs à rude épreuve, cette galère nous a aussi fait perdre beaucoup de temps. A cause de notre visa, les jours qu’il nous reste à passer en Indonésie, et a fortiori aux Metawai sont comptés. Pas une minute à perdre, nous voulons profiter de chaque seconde dans ce petit paradis qu’ il nous a été si difficile d’atteindre.

Le premier jour nous profitons de l’ambiance si apaisante qui règne dans notre petit village d’accueil. Les warongs sont sympas, les gens accueillants et les plages magnifiques. Nous en profitons aussi pour renouer avec le confort d’une bonne douche et la stabilité du plancher des vaches. Et bien sûr, nous n’oublions pas de célébrer nos retrouvailles et la fin des ennuis !

Le lendemain marque le début des hostilités. Si nous sommes ici c’est d’abord pour surfer, ne l’oublions pas ! Nous commençons par un spot juste à côté de Tuapejat. Apres un début de session tranquille, la marée montante transforme la vague qui se met à marcher du tonnerre. En témoigne le groupe de locaux qui nous rejoignent à l’eau. Malgré les quelques 15 personnes sur le spot, l’ambiance est super bonne et on s’éclate. Il y a des vagues pour tout le monde ici ! Quelle remise en jambe !

Le jour suivant nous partons pour une petite expédition de quelques jours afin d’aller explorer les vagues de l’ouest. Finalement nous resterons les trois jours dans les alentours de l’ilot de Pittojat. Le cadre est magnifique, la vague marche bien, nous avons le spot pour nous tout seul. Même les poissons sont au rendez vous et nous assurent de copieux repas afin de bien recharger les batteries. Cet épisode a beau être court, il restera gravé dans nos mémoires, tant nous vivons hors du temps, au rythme des sessions de surf et de chasse sous-marine.

Mais la réalité nous rattrape bientôt. Il faut nous remettre en route si nous voulons avoir le temps de préparer la navigation qui nous attend et quitter l’Indonésie avant l’expiration de nos visa. Nous nous autorisons un petit stop à Tuapejat le temps d’une dernière session, afin de dire adieu comme il se doit aux Metawai. Et puis nous hissons les voiles direction Padang, notre toute dernière étape d’Indonésie.

- Adieu l'Indonésie -

Il n’est pas nécessaire de s’éterniser sur nos derniers jours passés en Indonésie. Padang fut un coin plutôt agréable pour mettre le bateau en ordre et avitailler en vue de la traversée vers les Maldives. Nous nous attristions juste d’avoir été confrontés aux mêmes problèmes administratifs et de corruption qu’à notre arrivée. Nous serions repartis avec un petit gout amer si notre nouvel ami Jan, qui nous a tant aidé pendant ces derniers jours, ne nous avait pas rappelé l’immense gentillesse dont les indonésiens sont capables. C’est le soir du 29 Janvier, après ces 3 derniers jours d’escale, que l’ancre du Scuba Libre est décrochée pour de bon du sable Indonésien. Nous mettons alors les voiles vers les Maldives.

FIN

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